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Crotte du morning

11 avril 2016

#30 révolution

Il est 2h50 et demain je me lève tôt, mais j'ai besoin d'écrire cette petite ligne.

Voilà, elles sont là, depuis 4 jours maintenant : mes filles. Donc je suis papa. 

L'angoisse est bien loin car je n'ai tout simplement plus le temps d'y penser. Donc je conduis la voiture, remplis les formalités, et fait des démonstrations de respiration dans le simple but de calmer mes nouvelles-nées. Ce qui marche sur elle ... marche sur moi aussi, en bénéfices collatéraux.

Mes peurs du monde ... s'atténuent de même. Si vous avez déjà dû vous occuper d'un nourrisson, vous savez de quoi je parle : c'est à la fois merveilleux et parfaitement atroce. Leur égoïsme, leur inconscience, vont de pair avec la tendresse et la fascination qu'ils inspirent... Ces petits bourgeons de vie si purs sont aussi porteurs du pire qu'il me font autant aimer la vie qu'accepter la mort. Comment ne pas croire en la violence ultime de la vie quand je vois ces petites choses merveilleuses hurler comme des truies qu'on égorge pour oui ou pour un non ? Quelle étrangeté .. Et pourtant, c'est de là que nous venons, que je viens. Cela explique tant de choses ...

J'y reviendrais : ces plongée aux origines est instructive, et c'est ce qui m'a motivé à procréer, avant même le désir d'avoir une progéniture pour me survivre ...

Et sinon ... Elles sont jolies, mes filles. La première, Eugénie, son truc, c'est "la tête violette". Elle ouvre la bouche grand pour hurler, en retenant sa respiration, et son visage devient violet. Puis le cri explose, perçant, horrible. Et elle s'endort, asphyxiée, assomée. C'est tout moi.

L'autre, c'est Louison. Elle, c'est plutôt "le menton qui tremble". D'impression plus fragile, elle peut criser dans cette mimique de détresse avec endurance. On ne sait pas de qui elle tient, celle-la.

L'humanité, quelle belle abomination tout de même. Cela me contente, oui.

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21 février 2016

#28 Réflexion sur ma peur : ma première fin du monde

En juin 2014, je vécut une terrible journée. Une journée qui fut sans nul doute la plus dure de ma vie, émotionnellement parlant. J'en tire aujourd'hui un certain enrichissement, même si elle témoigne de ma faiblesse ..

Peu de temps avant, j'étais, comme parfois à l'époque, en teuf, dans un de ces gros clubs Berlinois en plein air, en compagnie de ma girlfriend Lulu, en piste pour danser toute la nuit sur de la musique Italo Disco à l'aide de pilules d'extasy - une petite habitude festive que nous partagions avec beaucoup de jeunes d'alors.

Les pilules montaient à peine lorsque mon ami arriva dans le club, à ma grand surprise, et mon grand plaisir, du moins, c'est que je crus au début. Ce qu'il se passa, c'est que le vieux Ju, un geek généralement très renseigné par les internets, nous annonça qu'il étudiait la situation mondiale très attentivement depuis des mois, et qu'il était désormais sûr et certain que tout allait partir en couille, et qu'il avait pris une grande décision, la plus grande décision de sa vie, celle de partir, et malgré son grand sourire de tazé, je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il ne plaisantait pas, qu'il était coutumier de ce genre d'obsession (il avait déjà réussi à me faire imaginer qu'une apocalypse zombie était scientifiquement possible), et il enchaina sur le réchauffement climatique, le crash des économies et des gouvernements, et voyant que Lulu commençait à bader également, je lui demandais gentiment, mais fermement, de remettre cette discussion à plus tard, car ce soir, on était là pour faire la fête. Il acquiesça docilement et nous n'y pensâmes plus de la soirée.

Le lundi suivant, alors que je me remettais tant bien que mal de nos excès du week-end, je reçus de sa part une invitation à une projection sur la catastrophe climatique qu'il organisait dans son atelier pour le vendredi suivant, à laquelle j'acceptais de me rendre afin qu'il me dise enfin tout ce qu'il avait me dire.

Le vendredi suivant, je me rendis donc à l'atelier en vélo, sous le ciel bleu, le coeur léger. Je m'imaginais qu'il projetterait une sorte de "Une Vérité qui Dérange", le film d'Al Gore, que mon père nous avait emmenés voir au cinéma 20 ans plus tôt, sauf que cette fois j'étais habitué - comme tout le monde - à l'idée du réchauffement. Sur place, il y avait une quinzaine de personnes, plutôt détendues aussi, des gens de mon age, entre 25 et 40 ans, réunies par une langue anglaise aux divers accents, comme souvent à Berlin. Ju était au bar, je bus une bière. Des chaises et fauteuils étaient installés, je m'assis au premier rang à droite. Le film commença.

En fait, il s'agissait d'une conférence, d'un type appellé Guy McPherson, un moustachu à l'air sympa et parlant d'une manière agréable. Il commence son exposé* : le réchauffement climatique, donc, en chiffres. Là, on voit où on est depuis qu'on estime que ça se réchauffe, là, les océans, le soleil, la glace qui fond, vous le savez, mais en chiffres, ça donne ça, et ça, et là, le méthane, y'en a plein au fond de l'eau, ça accélère le réchauffement puissance 10, et donc ça va monter, mais pas de 2 degrés en 100 ans comme tout le monde le dit, de 2°C en 5 ans, et puis encore 2°C en un an, et puis 4°C par an, et ainsi de suite, en s'accélérant. Et donc on n'aura plus rien à manger avant 2025 car on ne pourra plus rien faire pousser. Et c'est irréversible. Donc avant de ne plus rien avoir à manger, tous les systèmes vont s'écrouler, d'ailleurs ils s'écroulent déjà, regardez, à force de consommer, le capitalisme a tout niqué, c'est déjà en train de s'éffondrer, l'économie, ensuite les états, le chaos, les gens qui s'entretuent dans la rue. Et alors le truc, c'est que ça ne va pas être seulement la fin de l'humanité, mais aussi la fin de la vie, car vous voyez, la terre aura tellement chauffé qu'elle ne sera plus du tout habitable. Jamais. Si vous ne me croyez pas, regardez simplement les chiffres, ils sont vrais, vérifiés. 

Puis il vire en mode philosophique : bon, vous savez, toutes les choses ont une fin, hein, entre nous, que vous alliez mourir, vous le saviez déjà non ? Alors ce qu'on peut faire c'est tous se tenir la main pour mourir le plus paisiblement possible, en disant au revoir à la vie, c'était sympa, on en a profité, bon, on a un peu tout pété, mais c'est comme ça, c'est le jeu, de toute façon on allait bien mourir un jour ou l'autre.

Bon, moi j'avais commencé une crise d'angoisse depuis déjà un moment, mais je n'osais pas sortir, j'étais au premier rang et j'avais peur du ridicule, mais finalement, je ne tenais plus, je n'arrivais même plus à réfléchir. Je me tourne vers Ju et je lui demande si je peux lui parler dehors.

Comme j'étais à côté de la porte vitrée, je n'avais qu'un pas à faire pour sortir dans la rue. Je demandais la suite des explications à Ju. Il m'explique que lui, du coup, il veut juste appréhender la fin de la meilleure façon. A l'époque, nous n'avions pas encore entendu parler de survivalisme, mais c'était un peu son idée d'alors : profiter des 10 dernières années du système pour voyager et apprendre des techniques d'agriculture, découvrir des lieux, et puis au final, se trouver un coin tranquille à la montagne, au frais, pour faire pousser des patates en petit comité en attendant la fin. En tout cas, il nous pressait de quitter la ville : ça va devenir l'enfer sur terre ici, tout le monde va s'entretuer lorsqu'on va couper l'eau et l'electricité. As-tu simplement imaginé ce qu'il se passerait si plus personne ne pouvait utiliser de carte banquaire ?

Bon, mon lecteur improbable a bien compris que je prenais tout cela très au sérieux : déjà, ce Guy McPherson était plutôt convainquant, et puis j'avais toujours eu confiance en la science de Ju, qui était un geek, et donc intelligent et cultivé, avec qui j'avais souvent de grandes conversations scientifiques. Le fait qu'il prenne une décision concrète, celle de partir, de quitter sa vie ici, était un signal incontestable de cette vérité qui me dérangeait soudainement beaucoup plus que celle d'Al Gore à l'époque.

Le film se termina ("achetez mon bouquin") et tout le monde était choqué. Nous bûmes des bières en petit comité et ne parlâmes que de ça. "Qu'est ce que tu vas faire ?" "Moi j'y crois pas complètement." "Mais si c'est vrai, je ne sais pas." "Je ne vais pas partir de la ville, je ne supporte pas la vie à la campagne. Je vais rester et me tirer une balle si ça tourne mal." Personne ne savait quoi faire.

Lulu nous rejoint après son travail et trouva cette drôle d'ambiance. J'avais bu assez de bières pour en parler avec légèreté. Nous rentrâmes et je m'endormis comme une pierre.

 

Le jour le plus dur

Le lendemain, j'ouvre les yeux tandis que Lulu dort encore. Je suis un peu vaseux de l'alcool de la veille, mon cerveau a un peu décroché à la 5ème bière, mais tout me revient en tête brutalement. Le réchauffement. Plus de bouffe ni de carte bleue. Les gens qui s'entretuent en ville. Dans 10 ans. Parce que tout le monde n'a pas arrêté de manger de la viande et de rouler en voiture. Comment je vais annoncer ça à ma mère ? Comment ma mère va survivre à cela ? Et mes amis ? Mon ami Tom qui vient d'avoir un enfant ? 

Nouvelle crise d'angoisse, même pas encore levé. Je me lève et fait les 100 pas dans l'appartement. Il fait très beau, le ciel est bleu, les oiseaux chantent, les arbres sont verts, c'est l'été. Tétanie, c'est atroce, intenable. Internet. La NASA et Stephen Hawking sont formels : l'humanité va s'éteindre très bientôt. Bref, c'est officiel et personne ne le voit. J'écris à Ju et je lui raconte dans quel état cela me met. Il me réponds immédiatement "oui, il m'est arrivé pareil. Une nuit j'ai craqué et j'ai chialé non-stop". OK. D'un côté, je suis rassuré car je ne suis pas seul à flancher, d'un autre, ça confirme encore qu'on va mourir très bientôt. 

Pourquoi moi, je suis né à ce moment là ? Pourquoi moi, vais-je voir la fin de l'humanité ? En fait, ce qui m'attriste le plus au fond, ce n'est même pas de mourir, non, non, c'est de savoir que tout sera détruit, inutile. L'art, les livres, la transmission du savoir, la beauté, l'oeuvre humaine ... Tout ça ... Pour strictement rien. Rien du tout, néant, tout sera oublié, rien n'aura existé. C'était ma seule consolation face à la mort. J'aurais préféré apprendre que je suis atteint d'un cancer en phase terminale. Mais là, l'idée de la perte de tout et de tous m'est insupportable. Angoisse permanente. Je n'ai pas assez dormi, en plus. 

Je sors, pour essayer de me calmer, je vais acheter un petit déjeuner au supermarché, il est 9h du matin, un samedi, il n'y a personne, je croise une, deux personnes dans la rue. Savent-elles ? Non, evidemment que non, elles s'en foutent, elles vont nier, ces climatosceptiques, plutôt que de changer leurs petites habitudes. J'achète quelques fruits et légumes, avec ma carte bleue, il faut bien qu'on mange pendant qu'on le peut encore, j'évite la viande pour ne pas aggraver plus la situation. Pastèque, bananes ...

Je rentre. Lulu se réveille un peu plus tard et me trouve en état de panique totale. Elle s'inquiète. Je lui parle : c'est ça, c'est la fin du monde, je supporte pas. J'ai trop peur du collapse, je ne survivrais pas. Elle essaie de me calmer, de me faire relativiser. "Il ne faut jamais perdre espoir", me dit-elle. Sauf que là, je n'ai plus une goutte d'espoir en moi. Plus une particule. Tu as vu les chiffres. 10 ans. Le méthane. C'est sûr. Plus de marche arrière possible. Nos amis. Les livres. La noirceur envahit tout.

Faute de moyens, faute de science, face à mon vortex de désespoir, ma pauvre Lulu craque en cachette, et pleure aux toilettes. Mais elle n'en montre rien, et vient me reprendre la main. Elle m'apprend une phrase bouddhiste à méditer pour que je contrôle mes émotions. Finalement, il n'y a que dehors que j'arrive un peu à me calmer, l'appartement m'insupporte. Il fait beau, nous prenons nos vélos, nous allons dans la forêt, au bord de la rivière.

Là bas, tout est insupportablement magnifique. Les gens heureux, insouciants. L'herbe, les insectes. L'eau qui coule. La beauté, la lumière. Les odeurs. Le chant des oiseaux. C'est abominable. Tout ça va disparaitre. Si seulement ... Si seulement on me disait que ce n'est pas vrai, que je fais un cauchemar. Si seulement. Je serais le plus heureux des hommes et je jure que je vivrais ma vie pleinement. Je serais prêt à tellement sacrifier pour sauver ce monde. Je serais prêt à mourir s'il le fallait, si cela pouvait servir à quelque chose. Oui, mourir, sans hésiter, je donnerais ma vie. Pour les autres, pour les livres.

Cette vision : la fin de l'humanité, est parfaitement nette, concrète, réelle, je peux la toucher des doigts. C'est comme ça, c'est tombé sur nous, notre génération. Quelqu'un devait le vivre. N'est-ce pas extraordinaire finalement ? N'est ce pas une manière inouïe de terminer son existence : en même temps que toute vie sur terre ? Peut-être même que toute vie dans l'univers ? C'est formidable, quelque part ! Sauf que non : il n'y a rien de beau, rien d'enviable, rien de positif au néant, à la mort. Non, décidemment, chaque cellule de mon corps hurle son refus, sa tristesse, sa colère, tout cela à la fois.

Lulu tente toujours de me rassurer, de me tenir la main, de répéter "il y a toujours un espoir". Elle a raison, ça ne sert à rien de ne pas avoir d'espoir. Imaginons qu'il n'y ait qu'une seule chance et qu'on la gâche par manque d'espoir ? Mais mon esprit est tourmenté, incapable de penser correctement. Je ne vois que le trou noir. La violence, la peur. Nous mangeons au restaurant, mon estomac reste globalement noué, mais je mange. Terrasse, journée splendide. Puis nous allons au bord du canal : l'eau me rassure, je lui ai dit. Quand même : je suis en train de faire une crise d'angoisse de 12 heures, ça ne m'était jamais arrivé. 

 

Nous avons rendez-vous au concert de piano de Marie. Je ne suis pas capable d'y aller, mais je laisse Lulu y aller. Je crois que je vais aller dormir un peu, je suis légèrement calmé. Je rentre en vélo. Je m'allonge et je m'endors, épuisé, vidé. Peut-être que j'ai pris un lexo, je ne m'en souviens plus. La crise est finie.

A mon réveil,

Une ou deux heures plus tard, je me sens déjà plus clair. Cette fois, j'ai plus de courage. Je vais sur internet. Guy McPherson, qu'est ce que tu m'as fait. Qu'en pensent les autres ? Et là, éclairages : je tombe sur des pages(**) le concernant, expliquant pourquoi sa démarche n'est pas scientifique, sa façon de parler jouant sur les émotions, et qu'il se situent pour tous franchement dans le rouge niveau exagération sur le sujet du réchauffement. Je lis, et relis. Ca m'a l'air sérieux. Je cherche encore. Un souffle de soulagement me traverse. J'écris à Ju pour lui parler de ce que j'ai trouvé. Pour lui dire que, sans vouloir remettre en cause sa démarche, je crois que j'ai besoin d'une tasse de déni pour supporter tout ça. 

Et puis finalement, Ju me répond qu'il est également soulagé. Quoi ? Je pensais qu'il était un peu plus fermement documenté sur sa fin du monde, pas qu'il allait la remettre en question avec deux ou trois liens ! Bref, nous nous sentons littéralement trollés, mais dans le bon sens. La fin du monde est reportée (au moins à demain, quoi). Vous avez déjà senti ce que fait une resurrection ? Moi, oui, à ce moment là. Ce qui ne change rien au fait que la situation écologique et climatique est castrophique même pour les vrais scientifiques (et surtout pour eux), mais malgré tout, je peux encore m'autoriser à nier l'extinction de la vie sur terre. 

Finalement, cette conférence et l'electrochoc qu'elle m'a provoqué ont un effet positif : me voilà à prendre l'écologie beaucoup plus au sérieux. Ma vie a quand même changé. Et je dois tenir ma promesse : je dois vivre la vie qu'il me reste aussi pleinement que je le peux.

* * *

 

* La vidéo en question est sur Youtube.

** Debunk documenté de GuyMcPherson

 

 

EPILOGUE

Aujourd'hui - Fevrier 2016, bientôt deux ans plus tard - je décide de raconter cette petite journée pour penser à autre chose, pour relativiser les diverses menaces qui planent sur nous. Car aujourd'hui, à un mois de la naissance de mes enfants, il est toujours possible de croire qu'une apocalypse est en marche. Car les états n'ont signé aucun accord pour empêcher le réchauffement. Que la démocratie perd chaque jour du terrain face aux multinationales voraces et voleuses qui saccagent tout pour le profit. Que la pauvreté progresse au détriment d'une poignée qui s'enrichissent. Que les famines liées au réchauffement commençent à s'intensifier. Que des guerres en jaillissent. Que des bombes pètent chez nous et ailleurs. Ce matin, les journaux parlaient de 3000 à 5000 tueurs infiltrés sur le continent pour nous frapper à nouveau.

J'ai peur que mes filles ne connaissent pas la liberté. Pour elles, je ne veux pas avoir ce monde à l'horizon dans les yeux. Aussi, je viens essuyer mes larmes, apaiser mes craintes, en les étalant dans ce billet. Car ma peur ne vient que de moi, pas des évenèments. Par ce texte, je l'extrais, et la consigne pour ne plus la porter.

 

1 février 2016

#27 - Après-Guerre

Voilà donc un mois que j'ai jeté mes dernières têtes de weed dans les toilettes, quel est le bilan ? 

Et bien, c'est sûr que l'angoisse a déjà considérablement baissé. J'ai eu quelques vagues crises - notamment, en train en gueule de bois, en cours de préparation à l'accouchement ou en réunion de travail - mais à chaque fois elle n'étaient pas aigues et se calmèrent automatiquement au bout de 15-20 minutes. Une victoire, donc, si je peux inscrire dans mon esprit que même si une crise commence, elle ne va pas durer.

Alors notons : réduction considérable de l'angoisse, absence de phases de tachychardie au coucher, absence de gueule de bois nauséeuse le matin, absence de parano insensée lorsqu'il s'agit d'aller au supermarché, absence de culpabilité, meilleure attention au travail, meilleure attention dans la musique, meilleur sommeil, meilleure disponibilité sociale.

Mais aussi : baisse de libido (temporaire, en général), tendance à picoler plus (attention), et un mal de dos assez violent et quotidien. C'est sans doute ce dernier point le plus dur ... Conséquence du sevrage ? Ou alors est-ce que le cannabis anesthésiait ce problème de dos de toute façon présent ? C'est possible. 

L'envie de fumer est rare, furtive : parfois, quand même, je rêve de croiser quelqu'un qui pourrait me vendre un petit 10 euros. Et puis j'oublie. Je suis loin de penser au cannabis tous les jours.

Bref : quand j'ai pas de matos, c'est finalement assez facile. Il faut juste garder à l'esprit que quand j'en ai, je ne me contrôle pas. Amusant : c'est ce que la plupart de mes potes me répondaient quand ils m'écoutaient, un peu admiratifs, parler de ma culture, tout en m'expliquant qu'ils ne serait pas raisonnable pour eux d'en faire autant. Finalement, nous sommes tous pareils. 

9 janvier 2016

#26 Comment gagner la guerre

Vers 2008, je m'étais séparé de Colombe et la dépression frappait plein pot sur ma caboche. L'idéal, comme chacun sait, c'est de sortir, voir du monde, faire des rencontres, bref, vivre. Seulement, pour l'introverti, le timide, le complexé, le dépréssif, il existe une alternative qui va le fixer chez lui : la drogue. Donc je fumais, et je déclinais, esquivait, ignorait les invitations, ce qui renforçait mon mal-être, ma culpabilité, lorsque je n'arrivais pas à m'anesthésier suffisamment. Comme disent les brochures, je m'"isolait". Je fumais depuis 12 ans, et je pense que c'est à cette époque que j'ai commencé à me dire que ma consommation était problématique au point de vouloir arrêter, mais que je n'y arrivais pas.

2016, soit 8 ans plus tard, après "la petite vap' qui fait du bien", mais qui n'a pas su rester exceptionnelle et s'est vite ré-imposée dans mon quotidien, est pour moi clairement en train de déborder du périmètre de plaisir qu'on voudrait lui accorder (remarque à l'attention de mon hypnothérapeuthe qui en défend l'usage "pour le plaisir"), et donc rapidement redevenue un problème.

Les deux camps

La culpabilité que je peux éprouver vient de cette grande dualité, limite schyzophrène, du drogué : d'un côté, l'impulsif, mû par le plaisir reptilien de la conso, de l'autre, l'homme raisonnable. Et les deux se battent ensemble, et ça fait des dégâts. 

Cette grande guerre n'a pas connu beaucoup d'évenements renversants. Globalement, l'impulsif a toujours eu le dessus : il se démerdait pour trouver la dope, il s'est même mis à la fabriquer, ce qui demanda un grand investissement, et le raisonnable devait dealer avec les conséquences. L'impulsif, par sa nature, n'est pas du genre à négocier, il ne fait pas de concessions, et il n'acceptait en général de lâcher sa drogue - la weed - que pour en attraper une autre. 

Bataille politique

L'impulsif est un lobby très puissant dans le cerveau. Pour l'avoir, il faut trahir son propre gouvernement, car il est corrompu par le lobby. Même si nous avons gagné une grande bataille il y a deux mois, lors du départ, en bazardant la plupart du matos, l'impulsif a réussi nous persuader que tout était fini, alors qu'il en restait suffisamment pour lui rendre le pouvoir. Et à présent, il gouverne. Mais il ne nous mentira pas deux fois de la sorte, prévient la raison.

Un soir, negligemment, me voilà donc à télécharger une brochure d'aide d'arrêt au cannnabis. Tout en la téléchargeant, la voix de l'impulsif affronte celle de la raison dans mon esprit : "Il n'est pas question d'arrêter, c'est trop bon ! Pense à tous les problèmes si tu arrêtes ! Les bruits du voisinage ! La solitude ! La perte de ta créativité ! " tonne-t-il. La raison, qui a compris que rien ne sert de s'opposer frontalement à l'impulsif, diplomatise : "Non, non, on ne va pas arrêter. Mais nous voulons la lire par curiosité, rien de plus !"

Cette brochure s'avère être plus scientifique que certaines autres, il y a des graphiques et des chiffres. Et explique bien la sournoiserie du système de l'impulsif, la corruption du chef. Finalement il n'y a qu'une décision qui ne peut s'extirper de toutes ces données : 

Pour arrêter, on ne peut pas faire confiance à sa volonté seule. Il faut être forcé

La raison ne gagnera donc pas par la raison mais par les armes. 

La guerre

Une carte géostratégique fut déroulée, et les généraux de la raison réunis. Quelle est la situation ? Et bien elle est à notre avantage : dans cette nouvelle vi(e)lle, nous n'avons pas d'amis qui fument de l'herbe. Aucun dealeur à notre connaissance. De plus, grâce aux années d'autoproduction, le marché noir est devenu répugnant, pour sa qualité et ses prix prohibitifs, d'autant plus que le ménage n'a pas un rond à dépenser là dedans en ce moment. Quand aux stocks ? Et bien, ils ont été réduits de 90% lors de la bataille du départ (lors de laquelle nous nous sommes également débarassé de tout le matériel de culture), mais cependant les 10% rescapés en secret peuvent assurer encore 6 mois de défonce sans problème. Cependant, c'est tout ce qui reste.

Personne n'aime les décisions radicales, mais vu que tout a été tenté, il fut clairement établi qu'il ne servirait à rien de dire "j'arrête" sans envisager de se débarasser de l'intégralité du stock. Pas de petit joint de secours, pas de relique sacrée de la récolte à fumer lors de notre mariage, rien, néant. Prenez votre temps, mais quand la décision sera prise, il n'y aura pas de retour en arrière. Ca sera un vrai putch.

Plusieurs fois je m'emparrais du paquet tandis que l'impulsif négociait : "Attends, attends ! Tu pourrais le cacher quelque part de vraiment sûr, pour le récupérer dans plusieurs mois, ou années ? Tiens, si tu le cachais chez ta mère, tu ne pourrais pas y accéder sur un coup de tête !". Mais ses idées étaient devenues trop tordues pour que je les écoute. Cependant, je reposais le paquet, bourrait ma pipe, et songeait à commencer m'en débarasser. Il faudrait que ça soit brutal, que je n'ai pas le temps d'hésiter en le faisaint.

La bataille finale

Finalement, Robin me téléphona un soir, j'étais défoncé, et j'évitais l'appel, et donc l'invitation à venir boire des bières au bar. Le sentiment d'isolement me heurta de plein fouet - ça faisait bien longtemps que je ne l'avais pas ressenti - et le dégoût me monta suffisamment au goulot pour déclencher l'opération.

Tout brûler aurait été ma méthode de choix si ça ne faisait pas de fumée ou d'odeurs. Tout jeter dans un parc, un canal ou autre, était attirant pour le côté rituel mais je redoutais de changer d'avis d'ici là. Ce fut donc la classique méthode des chiottes qui remporta le contrat. Qu'importe qu'il fut 1h du matin, je pris le sachet et le vidais dans la cuvette. Je dûs tirer la chasse d'eau 2 ou 3 fois, mais il en restait encore un peu. Deux minutes plus tard, ma copine enceinte voulait pisser, et me demanda ce qui flottait dans les chiottes, après avoir cru que c'était des petites crottes très bizarres. "Je suis trop tenté quand j'en ai, je ne veux plus y penser donc je m'en débarasse", lui-dis je. Explication simple, claire et exacte, à laquelle elle me réponds par un gentil sourire. Elle pissa ensuite dessus, tira encore une fois la chasse. Je repissais dessus un peu plus tard. Ce matin, en me levant, il n'y avait plus rien (elle va souvent aux toilettes avec sa grossesse).

L'après-guerre

Voilà, il n'y a plus un gramme d'herbe chez moi, et nous avons vérifié qu'aucun chemin de retour ne lui est ouvert. A présent, il va y avoir le sevrage, et le ressurgissement de tous les problèmes que la drogue endormait. Seulement, cette fois, il va falloir les régler pour de vrai. La population se sent prête. Nous avons la brochure, et son petit graphique des "sentiments négatifs" sur 6 semaines, dont le point culminant devrait arriver dans 3 semaines. Il va falloir trouver d'autres sources de plaisir mais elle ne semblent pas manquer. Peut-être que tout ça sera plus facile du fait que j'ai recemment tenu 2 mois d'abstinence, avant de ne "rechuter" pendant un mois seulement. Enfin, de toute façon, on se prépare à changement. Bon courage à tous. Roger ! 

 

25 décembre 2015

#25 - Je ne suis pas un "rechuteur" : introduction à l'hypnothérapie

J'ai arrêté de fumer du cannabis vers la fin octobre, déterminé à devenir clean, j'ai donné tout mon matos: distribution gratuite de centaines de grammes de ma récolte à mes amis, et don grâcieux de mon matériel de culture à un ancien collocataire. Je me séparais ainsi de plusieurs années de travail ainsi que d'un bon paquet d'argent; mais qu'importe, une décision était prise, j'allais devenir un homme nouveau. 

Un mois passa : occupé à déménager, revenir en France, trouver un logement, m'occuper de la ma femme enceinte, les crises d'angoisses se firent plus insistantes, notamment à cause des situations nouvelles et inhabituelles que j'eus à affronter : conduire une voiture sur voie rapide, patienter dans des salles d'attentes de médecins, des rendez-vous, de l'inconnu, et pour courroner le tout, d'effrayant attentats écorchèrent ma ville-mère. Et peut-être aussi que le sevrage de 19 ans de consommation quotidienne de drogue jouait un rôle dans la chimie de mon angoisse. Bref, de l'angoisse sous forme très physique, d'attaques de panique, le ventre qui se tétanise et tout le tintouin.

Je me rabattais sur une autre drogue : le bromazépam. J'allais chez le médecin pour me faire aider, qui me conseilla formellement d'arrêter immédiatement le lexomil et me donna de l'homéopathie pour me soigner. Je lui racontais tout : mon ancienne dépression, la drogue, et l'anxiété qui perdurait comme un mauvais réflexe de mon corps. Elle se montra rassurante et me confirma que quelques séances d'hypnothérapie pourraient me libérer de cette angoisse, qui semble être le résidu de ma dépression passée. Sous mon insistance, elle me prescrit quand même une ordonnance de lexomil à n'utiliser que ponctuellement, en cas d'urgence, de type voyage en avion, "l'assurance tout risques" comme elle dit. "En espérant que vous ne vous en serviez pas", ajouta-t-elle en me donnant la prescription. 

Le problème, c'est que passé cette consultation, et malgré le SEDATIF PC, les crises continuaient. Je laissais tomber l'homéopathie (je sais qu'il ne s'agit que d'un placebo) et continuait le lexomil à dose minimum. Mais je vidais ma vieille boite de deux ans et n'utilisais pas l'ordonnance : ce qui me rassura sur le fait que je n'abusais pas.

Finalement nous trouvâmes notre modeste logement dans un quartier résidentiel, calme et vieillissant du sud de la ville. Nous nous installâmes sans trop d'encombres. J'arrêtais le bromazépam immédiatement. Je n'avais plus à conduire la voiture. Mais j'étais stressé, dormais peu, sursautais au moindre bruit du voisinage. C'était épuisant. J'avais besoin de plaisir. 

J'avais gardé un modeste sachet de ma récolte bien camouflée dans un appareil electronique. Il était intact, avait survécu au déménagement, au garde-meuble. Je me suis dit "une fois, rien qu'une seule". J'ai sorti le vaporisateur, discrètement, un soir, seul dans mon nouveau bureau. J'ai pris beaucoup de plaisir. C'était comme une petite renaissance. Alors evidemment, le lendemain matin, discrètement, j'ai vaporisé de nouveau. Et puis le soir. Et le surlendemain. Etc. Pendant toute la semaine. Je commençais à perdre les pédales, et plus je culpabilisais, plus je faisais n'importe quoi. Je fumais à toute heure du jour et de la nuit.

Le dimanche suivant, je me fis pincer par ma mère compagne, Lucie. Elle fut extrêmement déçue. Non pas particulièrement par la fumée en soi, mais que lui ai menti. Je n'avais parlé que d'abstinence pendant 1 mois et voilà que je me taisais sur la reprise de ma consommation. Je l'ai rarement vue si déçue, et croyez moi, je la comprenais tout à fait : j'étais dégoûté de moi même, de ma lâcheté. Moi qui prônais le dialogue, l'honnêteté et la tolérance, j'avais failli, non pas une fois, mais deux fois, par ma "rechute" elle même mais surtout par mon mensonge à ce propos. Oui, le mensonge était le pire. J'eus très peur : si un homme n'est pas pas digne de confiance, une femme peut le quitter et partir avec les enfants... Evidemment, ce tableau était très exagéré rapport à la situation, mais nous savons tous que ce genre de scénario existe.

Nous parlâmes longuement lors d'une promenade au cimetierre pour tout remettre à plat. J'étais finalement content de m'être fait surprendre pour enrayer le processus malsain dans lequel je m'étais à nouveau engouffré, exactement comme à l'adolescence, dans l'ombre de mes parents. 

Je me repris en main et appellais, cette fois, pour de vrai, l'hypnothérapeuthe pour continuer d'essayer de me guérir. Curieusement, la plupart des hypnothérapeuthes de mon chef-lieu de province semblaient overbookés et peu ouverts à de la nouvelle clientèle. Je raclais l'internet et en trouvais une dans un des quartiers les plus moches de la ville. Je m'y rendais un jeudi à la tombée de la nuit. Un immeuble d'activités sans âme, sinon la laideur. Je me faufila sans croiser âme qui vive jusqu'à la salle d'attente du cabinet. Puis, avec 5 minutes de retard, la thérapeuthe me reçut.

C'était une vieille femme décrépie, très visiblement grosse fumeuse à en croire son teint, ses dents et son haleine, et peut-être même buveuse, à en croire son nez et ses gestes maladroits et son empressement pathétique. Elle ratura plusieurs fois la feuille de renseignements qu'elle remplit au début de la séance, commençant toujours à écrire avant d'avoir bien reçu l'information. Est-ce que cette personne qui avait l'air encore plusieurs angoissée que moi allait pouvoir me soigner ? 

Le bureau était également moche, comme tout le reste de l'immeuble, et du quartier tout entier: meubles froids, néons blafards ... Mais après tout, l'habit n'a jamais fait le moine, et cette personne m'apparut plutôt compétente avec ses théories.

Elle m'expliqua que les crises d'angoisses sont un programme, un signal d'alerte, ayant une utilité, de l'inconscient vers le conscient. Utiles, elle l'étaient à une époque. Mais le sont-elles encore aujourd'hui ? Notre travail ne sera pas d'en expliquer les causes - c'est plutôt le cas d'une psychanalyse - mais d'aller les déprogrammer. Je compris que cette dame connaissait son sujet.

Vint le sujet de la drogue. Tout d'abord, elle releva l'auto-culpabilité avec laquelle je m'accablais. "Bien sûr, les drogues sont mauvaises pour la santé. Elles peuvent détruire notre santé, ainsi que notre portefeuille ... Mais utilisée pour votre plaisir - et uniquement le plaisir - est une chose positive. Et surtout, vous sentir coupable à ce propos est encore plus destructeur. Coupable d'être la personne que vous êtes, comment supporter une telle pensée ? Rechuteur, qui plus-est ! La pire étiquette qu'on puisse s'infliger. De quoi angoisser, pour sûr. Vous ne devez pas vous percevoir comme ça. Vous devez vous accepter, vous aimer, et si vous fumez, faites avec un maximum de plaisir."

Evidemment, une certaine joie déferla sur mon petit esprit torturé : elle avait très probablement raison pour la culpabilité (ma dépression avait pour racines la culpabilité que je ressentais vis-à-vis de mon père), et en même temps elle m'autorisait à fumer. A FUMER. Evidemment, tout cela allait paraître peu raisonnable aux yeux de beaucoup d'autres, comme ma compagne, ma mère ou peut-être même mon toubib ...

La séance se termina avec une démonstration du point d'ancrage* et autres leviers imaginaires pour agir sur mon anxiété, et je dûs lui rédiger un chèque ("55 euros c'est bien cela ? - Herm, non, 75 monsieur. - Ah ? Heu ... OK ..") je me fis imposer un nouveau rendez-vous le mois suivant (le temps que je règle "mon histoire avec la drogue", mais surtout, qu'elle revienne de vacances) et nous prîmes congé l'un de l'autre. 

Sur le chemin du retour, je m'interrogeais tout de même un peu sur le "mauvais feeling" avec la personne elle-même, mais décidais que le thérapeuthe était visiblement compétent, et que changer de thérapeuthe (et donc refaire la séance d'introduction) me coûterait au final quand même plus cher que de continuer avec celle-ci, et donc qu'il était au final intelligent de le faire. Je rentrais et racontait ma séance à Lucie, qui, bien qu'étonnée à certaines des idées évoquées, était contente de voir que j'agissais pour mon bien-être.

Le soir, evidemment, seul, je fumais. La vie continua comme d'ordinaire : j'eus des crises ici, et là. Jamais graves, mais de plus en plus fréquentes et idiotes : je fumais un matin et fis une crise invisible au déjeuner avec mon vieux pote en visite. Crise invisible au restaurant avec ma femme. Crise invisible dans la voiture de ma mère.... 

Et aujourd'hui, avance-je ? 

 

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3 décembre 2015

#24 Le big Jump (5) : Atterrissage et fin.

Il est 8h25 du matin, et je suis dans le salon de mon nouveau 4 pièces. J'écoute les voitures qui passent sous mon nez dans le boulevard, ainsi que les pas et martellement du voisin qui s'active au petit matin. Je ne sais pas encore exactement à quoi va ressembler ma vie ici, mais j'ai l'impression que les choses ne changent jamais énormément. Je suis dans une ville, et je suis irrité par mes pairs, par leur bruit. Exactement comme à Berlin. Ici, j'ai l'avantage d'avoir différentes pièces ... Ce déménagement m'a coûté pas mal d'argent, et je suis un peu triste du résultat - pour l'instant - mais tout ceci n'est qu'une étape, en espérant que le monde ne s'écroule pas avant d'arriver à la prochaine. Et pourquoi s'écroulerait-il  ? Pour suis-je si négatif ? Les billets d'humeur "à vif" comme celui que je rédige présentemment sont à jeter à la poubelle : ils ne bénéficient d'aucun recul. De plus, le bruit, c'est plutôt nous qui allons le faire, bientôt ...

24 novembre 2015

#23 Big Jump (4) : Atterrissage de moi ... dans le monde

Après 40 jours de transition, le bout du tunnel est enfin en vue : notre appartement nous attends, les petits foetus vont bien. 

Si ma famille va bien, le monde va mal, vous le savez : on est le 24 novembre, soit 11 jours après les attentats Parisiens qui nous ont bien secoués. Je vais à Paris avec mes foetus, voir ma famille, à noël, et j'aurais peur. D'autre part, la COP21 approche, celle qui risque, d'un côté, d'être une mascarade politique pour verdir le blason de tout un chacun, l'état d'urgence risque d'écraser les vraies discussions fertiles avec l'interdiction des manifestations.

En gros : le monde va mal, nous allons tous crever un jour (et cela nous le savions, n'est-ce-pas?), et il est difficile pour moi, et sans doute pour vous, de savoir quoi faire.

D'un côté, les fascistes se nourrissent des evenements et souhaitent une guerre civile, de l'autre, les suicidaires, des gens probablement deçus, veulent tout détruire. Au milieu, une population qui a peur de perdre son petit confort (dont je fais partie) et qui se contente de boire des coups en terrasse pour "résister". Enfin, la terre qui dégringole, grignotée par les humains et leur système financier qui mange la planète sans se soucier de sa santé - ni de celle des humains eux-mêmes, d'ailleurs. Le chiffre vient de tomber : 600.000 morts ces 20 dernières années à cause du climat. Qui va vraiment sauver le monde de la destruction de notre ecosystème, de notre fin à tous ?   Pour l'instant, on dirait qu'il n'y a personne. La tâche est si grande que personne ne se sent à la hauteur. On espère chacun un miracle. Mais le seul miracle sera le bougeage de cul de tout un chacun.

M'engager ? Cela parait nécéssaire. Bien sûr que moi, je ne militerais que pour deux choses : l'égalité entre les hommes (ce qui inclue : la paix), et l'écologie. 

Pour l'instant, je commence à pas de fourmi. Les banques et le marché financier sont probablement en première ligne des responsables du chaos qui s'installe. Action: changement de banque (je songe au Credit Coperatif, voire la Nef) histoire que mon argent (pas bien gros ...) n'aide plus les banque à faire n'importe quoi. 

Je mange moins de viande. L'idéal serait de ne quasi plus en manger, de façon militante. Je vais éduquer mes filles de cette manière.
Grosse réduction des produits laitiers.
Pour les légumes, ma femme et moi avons déjà décidé de nous connecter aux AMAP du coin, pour y travailler comme bénévole, et manger bio, et peut-être encore plus important, local.

Et ... Je n'ai plus d'idées. Je n'ai pas envie d'arrêter de travailler, de faire de la musique .... avant d'y être obligé ... 

Du coup, il est facile de trouver ces efforts dérisoires, surtout quand ils sont isolés. Aussi, je me prépare doucement à mourir, avec tout le monde, avec mes enfants ... Comme vous, j'ai besoin d'aide.

10 novembre 2015

#22 Big Jump (3) : En Transition

Les choses ne se passent pas exactement comme prévu, mais elles n'en sont pas loin pour autant.

Si je marque l'arrêt du cannabis au 5 octobre, cela fait environ 1 mois (et 5 jours) que j'ai arrêté. Bilan ? J'ai d'épouvantables crises d'angoisse, principalement au volant et dans les salles d'attente. Je me traite avec du lexomil tout en essayant d'en prendre le moins possible ... Mais c'est un combat délicat et j'ai déjà l'impression de remplacer une drogue par une autre.

Je ne décrirais pas toute cette histoire ici car je la rédige sous forme de bande dessinée dans un carnet. Je dirais juste que je suis en plein milieu du "big jump" et ce n'est pas facile. 

11 octobre 2015

#21 Le Big Jump épisode 2 : l'arrêt définitif du cannabis, la méditation

La note précédente parle de ma recherche de spiritualité, un besoin d'ancrer mon esprit morcellé dans une pratique spirituelle qui lui permettrait de se réunifier. Je pense que ce que je cherchais, c'était simplement la méditation. Ma tante, bouddhiste elle aussi, m'avait offert un livre, il y a cinq ans de cela, pour apprendre à méditer (indépendemment de toute pratique bouddhique). Je l'ai perdu, elle me l'a offert une seconde fois (son exemplaire personnel), mais je n'avais jamais étudié le sujet. Finalement, ce moment est arrivé. Je ne vais pas m'étendre sur ce qu'est la méditation (il existe assez d'ouvrage et de sites sur le sujet) mais expliquer pourquoi il s'agit d'une solution de choix pour moi et ce que cela me fait réaliser sur mon usage du cannabis.

Si un lecteur éventuel a lu le début de ces "pensées écrites", il ne sera pas étonné de savoir que j'ai rechuté côté cannabis. Cependant, cela s'est passé différement : j'ai pris le plaisir habituel durant 2 ou 3H, et puis, j'ai finalement regretté de retrouver mon esprit confus, et le lendemain, je me suis complètement abstenu. Deux jours après, j'ai décidé, finalement, de me débarasser de ma récolte et de tous mes ustensiles liés à l'herbe et sa culture, ce qui est une chose totalement inédite dans toute l'histoire de ma consommation et de mes arrêts. Pour la première fois, je décide d'arrêter définitivement le cannabis. Auparavant, je parlais toujours de faire une pause, mais il m'était impossible de rayer complètement cet aspect de ma personnalité ... Aujourd'hui, ce faisant, c'est un vrai deuil que je vais devoir affronter. Mais je pense que ma décision est bien ferme, et de toute façon, en me débarrassant des objets, j'aurais des difficultés matérielles à replonger, ce qui me poussera à y réfléchir à deux fois.

Qu'est ce qui a changé ? 

Et bien, même avant la méditation elle-même - que je pratique depuis trop peu de temps pour en sentir les bénéfices profonds - la découverte du concept de méditation m'a donné de précieuses informations sur le fonctionnement de mon cerveau. 

En juin dernier, en voyage, je me suis abstenu de fumer pendant un mois. En revenant, j'ai naturellement fumé, et j'ai senti pleinement l'effet du cannabis sur mon cerveau : l'euphorie, certes, mais surtout, j'ai eu l'impression que mon cerveau s'éparpillait. Et je me suis dit : quel dommage ! Pendant ces vacances, j'ai retrouvé une force de concentration assez utile et voilà que je la répands en mille morceaux.

La méditation a pour objet de développer la concentration, c'est à dire l'effet parfaitement inverse du cannabis. C'est une méthode spirituelle qui nous pousse l'esprit à être unifié et clair. Le cannabis éparpille et brouille. En expérimentant la méditation, j'ai tout de suite réalisé cela.

Maintenant, il est temps d'ouvrir les yeux. Cela fait vingt ans que je fume. Pourquoi ? 

- Le cannabis est euphorisant, donc attractif. 
- J'ai fait une longue dépression d'une quinzaine d'années. L'état de confusion m'allait mieux que l'était de clarté qui était dominé par une souffrance présente et réelle.
- Mon esprit s'est habitué à cet état de confusion euphorique. Je me suis construit comme ça, notamment, créativement. Beaucoup de mes oeuvres me rappellent cet état.
- C'est une drogue, donc addictive pour l'esprit, qui va éprouver des douleurs et difficultés à changer cette habitude - ce qui rend très facile les rechutes.
- Compagnon de toutes ces années noires, le cannabis est devenu une réelle passion pour moi : j'ai investi de mon temps et mon argent pour obtenir du cannabis de la meilleure qualité qui soit, comprenant sa production et ses modes de consommation. Dur de jeter à la poubelle tant d'investissement, pensé-je encore en regardant mon nouveau vaporiseur quasi neuf, très bel appareil.

Mais il est temps d'arrêter pour de bon.

- Le cannabis me rend confus, et inefficace. J'ai besoin de récupérer toutes mes facultés mentales. 
- Toutes ces années à consommer ont énormément fragmenté mon esprit. Aujourd'hui, je pense qu'il est la principale raison des crises d'angoisses qui m'arrivent encore.
- Le cannabis est peut-être sans danger et agréable, utilisé avec grande modération. Mais ce n'est pas mon parcours. 20 ans de consommation laisse des traces, et comme un ancien alcoolique ne peut plus boire un verre, je ne vais peut-être malheureusement plus être capable de fumer sans réveiller les fissures que l'herbe a déjà provoqué dans mon esprit.
- La créativité liée au cannabis est un mythe que je dois debunk. La seule chose que fait le cannabis, créativement parlant, c'est de jeopardizer les idées, et d'ajouter une bonne couche d'euphorie là dessus. Résultat, les sensations sont exagérées, et souvent exagérément plaisantes, ce qui est motivant, stimulant; de plus, la confusion brouille les complexes et autres barrières de la créativité, ce qui nous aide à se lancer plus volontiers dans des entreprises plus hasardeuses, lorsqu'on est sujet à ce type de complexes. Finalement ma dite créativité sous cannabis était une propension à m'extasier sur tout, le bon comme le merdique, à ne pas hésiter à y aller et à produire massivement. Dans le tas, il y avait des bonnes choses, evidemment. Mais l'expérience était déjà faite pour ma part : je composais mieux à l'état clair, mais je jouissais plus du résultat sous cannabis. C'était la meilleure combinaison pour créer quelque chose et en profiter ensuite. 

Comment je vais y arriver ? 

- J'ai un objectif, et un guide, une méthode, dont la méditation fera partie. Ainsi que le sport, et peut-être une thérapie si cela s'avère de nouveau nécéssaire.
- Je n'ai pas la garantie absolue que mon esprit n'a pas été irrémédiablement endommagé, mais si j'en crois la littérature, les médecins, ce n'est probablement pas le cas. Cependant on ne répare pas 20 ans de conso, de fragmentation spirituelle quotidienne, en 2 semaines de méditation .... 
- Un des résultats immédiat de l'abstinence est une peine à jouir. Comme je le dis précédemment, le cannabis euphorise et donc, avec les années, l'esprit a pris l'habitude de jouir grâce au cannabis, et peine à le faire sans. Cette habitude peut prendre des mois à être reprogrammée, voire des années si j'en crois la littérature. Mais avec de la patience, je pense pouvoir y arriver.
- Je n'ai également plus vraiment le choix : c'est une nécéssite. Je ne peux plus supporter ces crises d'angoisse intempestives et handicapantes, surtout que je vais devoir être responsable. M'imaginer être incapable de rester dans la salle d'accouchement avec ma femme à cause de ça est déjà une idée difficile à supporter.
- Les anxiolitiques sont une béquille mais ils me posent un gros problème ! D'abord, parce qu'ils ne m'aident pas à clarifier mon esprit, ils sont aussi confusants, même si leur effet est sédatif au lieu d'être excitants comme le cannabis. 
- Je me débarasse de tout ce qui a attrait au cannabis de près ou de loin : matériel de culture, pipes, vapos, herbe ...
- En faisant le deuil de mon "ancien moi". Ce journal sert aussi à cela. Je songe depuis longtemps à raconter mon histoire, mon combat avec l'addiction. Je suis content d'entamer le dernier chapitre. Je n'ai pas peur d'aller enterrer celui que j'ai été - que j'ai aimé être, aussi, je l'admets - mais qu'aujourd'hui je ne veux plus dans ma vie. Alors, ça a quelque chose de triste. Je vais faire une petite croix en bois, me recueillir, je ne vais pas forcémment l'oublier, mais il sera là : sous terre.
- Et m'accrocher à la construction de mon "nouveau moi" : celui a l'esprit clair, celui tranquille, celui qui découvre de nouveaux plaisirs, de nouvelles pratiques, et la méditation sera la première "passion" de cette nouvelle personne. Cette personne qui n'est pas l'ancienne, l'ado, le dépressif, cette nouvelle personne sera en quelque sorte l'Adulte.

 

 

Le debunk

Un petit paragraphe pour terminer cette note, à propos des mythes dont se persuadent les consommateurs, et que je me permets de dénoncer, en tant que personne ayant consommé 20 ans et n'ayant jamais cessé d'analyser sa conso.

- Le cannabis EST dangeureux. J'ai commencé jeune, à une époque où j'en avais "besoin". Besoin, comme je l'ai dit, pour braver l'interdit, créer ma propre individualité en opposition à mes parents (surtout mon père qui voulait trop me contrôler), mais surtout apaiser mes souffrances dans une période d'impasse, à l'adolescence difficile, en conflit avec mes parents et le monde en général. Cependant cela est resté une habitude qui a endommagé mon cerveau au fil des années, m'a rendu anxieux.
- Le cannabis est puissamment anxiogène. Avec son effet "éparpillant", un esprit sans ancrage va finir avec un trouble anxieux généralisé, trouble panique, bouffées délirantes, voire schyzophrénie pour les personnes à risque ...
- Un petit joint de temps en temps ne fait pas de mal, tant que votre esprit a d'autres ancrages. Vous fumez tous les jours ? Il est quasiment certain que vous en demandez encore car vous fuyez quelque chose. Pendant ce temps, votre esprit se morcelle doucement. J'ai tenu 20 ans en fumant quotidiennement car je me persuadais d'avoir les choses importantes : un emploi, une passion, une copine ... Mais à la première crise passagère, il s'éparpillait dans tous les sens, et je me retrouvais impotent.

Avec le recul, aurais-je pu éviter de m'enfoncer là dedans ? Dur à dire. Evidemment que mes parents étaient contre, m'interdisaient formellement de fumer, mais il n'avaient aucun moyen d'appliquer cette interdiction, et mon conflit avec eux renforçait ma dépendance au cannabis. 

Ensuite, j'ai menti toutes ces années : à ma grand mère qui me soigne, aux psys, à moi même ... Quand j'en parlais à mes amis, à mes conjointes, elle ne voyaient pas vraiment le problème : cela ressemblait à un péché mignon. Je gérais plutôt bien ma conso, je n'étais que très rarement "visiblement défoncé"; elles se disaient que ça n'affectait pas vraiment notre vie, je ne perdais pas d'argent vu qu'indépendant des fournisseurs, cela me donnait la main verte, et ça valait toujours mieux que de trop boire ou d'être violent ! 

Je suis conscient du vrai malaise avec ma conso depuis environ 7 ans ... J'ai mis 7 ans à réussir à trouver une accroche assez solide pour m'en sortir. Et encore, c'est plutôt la vie qui me l'a imposée : l'amour, la paternité, les responsabilités ..

Je n'arrête pas de fumer pour mes enfants, j'arrête de fumer pour moi même, car je veux être une personne sur laquelle on puisse compter. A commencer par moi-même ! De plus, la prise de conscience étant faite, je ne peux plus simplement apprécier le fait de sentir mon esprit se morceller - aussi grande que soit l'euphorie qui l'accompagne, surtout que je peux trouver cette euphorie de façon plus saine.

 

5 octobre 2015

#20 Le Big Jump

Sevrage cannabique

Voilà. Si tout va bien, dans 6 mois, je suis papa, et par deux fois d'un coup (comme si c'était trop simple, sinon). Ma moitié ne voulant pas s'intégrer ici, en Allemagne (et faut admettre que je n'y suis pas bien arrivé non plus, la preuve en est de ma ridicule pratique de la langue), nous déménageons en Bretagne dans 15 jours.

A ces changements, il en est un plus personnel qui s'impose : la nécéssité de ne plus être dominé par mes émotions. Reprendre mes nerfs en main semble essentiel pour supporter ce qui s'amène. A ma grand-mère qui me dit "n'essaie pas de tout contrôler", je réponds que j'ai simplement besoin de me soigner afin de pouvoir prendre les transports en commun, ou de patienter dans une salle d'attente sans faire de crise d'angoisse. Car pour l'instant, c'est là que j'en suis. 

L'anxiété, dur de mesurer à quel point elle est reliée à ma consommation de cannabis, mais la littérature scientifique est plutôt formelle : ça ne doit pas aider. De manière générale, comment espérer être équilibré lorsqu'on est constamment bouleversé par une substance ? Non, inutile de discuter avec mon cerveau malade : arrêter devient une évidence. Je pourrais énumérer encore longtemps des bonnes raisons de le faire. 

Dur de lâcher "la vie d'artiste", pour sûr. Mais qui sait ? Je vais peut-être renaître, différemment. En attendant, je vais probablement changer de role, je n'ai pas trop peur de ça.

Comment m'y prendre ? 

En arrêtant, tout simplement, connard. Ho, seulement, à ma connaissance, le combat contre moi-même est la chose la plus difficile. Alors, l'urgence de la situation m'aide quelque peu. Taper des crises d'angoisse à 30 jours du départ est plutôt alarmant, je me sens limite agressé et cela me donne envie de réagir.

Pourtant, après une semaine de sevrage plutôt prometteuse (jogging tous les deux jours, cure de magnésium, gymnastique, mais une anxiété plus palpable aussi, liée au sevrage), je me suis accordé un petit plaisir sous la forme d'une micro douille (en cachette). C'était sympa et je n'ai pas stressé plus que ça, et puis tout de même cette jouissance, quelle détente, quelle respiration ! J'ai eu l'impression de revivre. Alors je m'en suis autorisé une deuxième le lendemain, puis une troisième, une quatrième, et le dimanche suivant : nouvelle crise d'angoisse au moment de la promenade. Regrets. 

Il faut arrêter complètement. Un petit écart, et c'est toute l'envie qui s'engouffre, c'est le dérapage complet. J'ai merdé, mais je me reprends. Cette fois-ci, plus fermement, je comprends qu'il ne faut pas faire d'entorse à l'abstinence. Complète et totale, elle doit rester.

C'est alors que je décidais de conditionner ma récolte pour le voyage, que je découvrai qu'elle avait moisi dans son bocal. A force de réduire ma consommation, je l'ai négligée. Si ce n'est pas un signe, ça, qu'est ce que c'est ? En tout cas, elle n'est plus bonne à fumer. Il ne me reste plus qu'à ranger ma pipe. 

Le sevrage va durer un certain temps. En moyenne, les internets parlent de 15 à 20 jours pour l'anxiété aigue, et puis 3 mois de déprime sont aussi envisageable. Mais une fois ce moment passé, je devrais retrouver un équilibre. Le sport va m'aider. Le changement d'air aussi, je l'espère.

Le plus dur sera sans doute de ne pas craquer lorsque je serais réinstallé. Mais cette situation est encore lointaine et mon esprit aura le temps de se faire à nouvelle nature d'ici là, je l'espère. Sinon, et bien on verra, les épreuves seront de toute façon différentes.

En attendant, je suis déterminé, et je m'accroche. Le combat contre l'anxiété ne doit pas être un combat violent car tout stress n'est que terrain perdu. C'est l'inverse. Prendre soin de moi, en douceur, et lâcher du lest. Je n'ai pas les choses en contrôle, mais je respire.

J'évite de regarder les journaux tant que possible (car ce matin encore, ils m'annonçaient que j'allais crever bientôt, soit par le niveau alarmant de micro-particules dans l'air, soit par la bombe atomique que Daech va nous envoyer l'année prochaine, soit tout simplement de faim à cause du réchauffement climatique) Enfin, vous êtes aussi au courant.

Bref, j'ai besoin de me bâtir une pensée plus positive, plus solide. 

 

Un besoin de spiritualité pour m'aider (et digressions sur les religions)

J'avoue penser à la religion en ce moment. Difficile de croire aux religions établies quand le fanatisme frappe de toutes parts. Mais quelque chose me dépasse fondamentalement et comme un orphelin, je ressens du réconfort à l'idée de me tourner vers les forces supérieures. Avoir des parents, c'est être plus fort. Accepter cette autorité supérieure me donnerait plus de force de surmonter les épreuves. Plutôt que de religion, peut-être puis-je parler de spiritualité. Mais comment choisir mon école ? Loin de me sentir comme du pain béni pour les sectes, mon esprit est au contraire trop cartésien pour continuer à croire aveuglément en quelque chose, parce qu'un bouquin ou un vilain monsieur le prétend avec virulence. 

Pour l'instant, je picore des éléments de spiritualité. Je lis quelques pages de livres new-age que m'a laissé Thomas (l'instant présent), un peu de philosophie (éloge de la fuite), mais pour prier, je ne peux que recourir à ce que je connais : mon éducation chrétienne. Me voilà donc à réciter "notre père" avant de dormir. Et à analyser le texte.

Notre Père qui es aux cieux, 
que ton nom soit sanctifié, 
que ton règne vienne 
que ta volonté soit faite 
sur la terre comme au ciel.

Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses 
comme nous pardonnons aussi 
à ceux qui nous ont offensés, 
et ne nous laisse pas entrer dans la tentation, 
mais délivre-nous du mal.

(Car c'est à toi qu'appartiennent : 
le règne la puissance et la gloire, 
Aux siècles des siècles.
Amen.)

D'une manière presque amusante, elle évoque mes soucis les plus naturels : la survie (le pain), la paix (le pardon) et les problèmes de drogue (la tentation). (Je comprends pourquoi cette prière a fait un carton). Deux paragraphes (le premier et le dernier) sont uniquement consacrés au renforcement du pouvoir du Père, et ainsi la croyance du fidèle. Plus la foi est grande, plus puissante est la prière, mais cela me rappelle que comme beaucoup de religions, le catholicisme semble être mitigé entre sagesse et intidimidation. 

Bref, dur d'adhérer à cela, même si le pli laisse une marque dans mon enfance. Je pense qu'il me faudrait plutôt une doctrine philosophique qu'une religion à propremment parler.

Religion ou philosophie, exemple du bouddhisme

La famille de Lucie est pratiquante (Lucie étant l'exception) d'un type de bouddhisme, la Soka-Gakkai, une "secte" bien implantée au Japon et en France (je n'emploie pas le mot secte dans son ampleur péjorative). Leur pratique "religieuse" (ou philosophique?) les a mené à gérer leurs émotions d'une manière particulière qui déplaît à Lucie, n'ayant pratiqué qu'un petit peu lors de son enfance, et ce par automatisme et obligation. Ce qui déplait à Lucie, c'est qu'ils refusent globalement d'écouter son émotion à elle, et ne se sens pas perçue comme il faudrait. Mais au fond, c'est plus une histoire de famille complexe.

L'exemple le plus critique fut la reception de sa grossesse par sa famille. Sa mère a été carrément virulente (la traitant d'"irresponsable", entre autres) et propage des méchancetés de mauvaise foi, ce qui a naturellement terriblement chagriné Lucie. Mais on pardonne cette mère, ancienne alcoolique, et éternelle enfant, de se fâcher contre l'évènement qui menace sans doute son statut de "reine" de la famille. Il parait que c'est fréquent.

Le père, lui, a eu une réponse neutre. Occupé à ses affaires (devenir médiateur, et gérer le groupe religieux dont il est responsable), il ne cache pas sa modeste indifférence face à cet évènement, mais en bel être humain qu'il est, propose toujours un coup de main. Lucie lui en veut de ne pas s'impliquer davantage "émotionnellement" mais il faut préciser que Lucie a été adoptée par son père, ne l'a appris qu'à 25 ans et en fait probablement un complexe.

Alors lorsque Lucie réclame de l'attention, ses parents rejettent poliment ce qu'ils considèrent comme des enfantillages.

En revanche, les soeurs de Lucie, pratiquantes également, et en particulier Juliette, n'ont pas la même réaction. Juliette est sensible à l'émotion, reçoit les doléances de Lucie, et s'indigne de la réaction de la mère, qu'elle estime comme révélatrice d'une mécompréhension de la doctrine bouddhique. Je remercie le ciel de lui avoir donnée cette soeur, car sinon Lucie serait dans une véritable impasse familiale.

Alors, le bouddhisme, forteresse émotionnelle ou pas ? Ces 3 cas (Juliette a une soeur jumelle, Clémentine, aussi pratiquante, mais je ne la connais pas donc ne peux en parler) me montrent des extrêmes et ses opposés. Leur pratique n'a fait, à priori, pas vraiment d'effet sur cela.

Mais par rapport à Lucie, je suis tout de même un peu réticent à l'idée de m'approcher du bouddhisme, même si cela semble être une direction spirituelle et philosophique intéressante pour moi et ma gestion des émotions, si j'adhérais, elle se sentirait vraiment encerclée.

Je cherche encore. 

 

 

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