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Crotte du morning
25 décembre 2015

#25 - Je ne suis pas un "rechuteur" : introduction à l'hypnothérapie

J'ai arrêté de fumer du cannabis vers la fin octobre, déterminé à devenir clean, j'ai donné tout mon matos: distribution gratuite de centaines de grammes de ma récolte à mes amis, et don grâcieux de mon matériel de culture à un ancien collocataire. Je me séparais ainsi de plusieurs années de travail ainsi que d'un bon paquet d'argent; mais qu'importe, une décision était prise, j'allais devenir un homme nouveau. 

Un mois passa : occupé à déménager, revenir en France, trouver un logement, m'occuper de la ma femme enceinte, les crises d'angoisses se firent plus insistantes, notamment à cause des situations nouvelles et inhabituelles que j'eus à affronter : conduire une voiture sur voie rapide, patienter dans des salles d'attentes de médecins, des rendez-vous, de l'inconnu, et pour courroner le tout, d'effrayant attentats écorchèrent ma ville-mère. Et peut-être aussi que le sevrage de 19 ans de consommation quotidienne de drogue jouait un rôle dans la chimie de mon angoisse. Bref, de l'angoisse sous forme très physique, d'attaques de panique, le ventre qui se tétanise et tout le tintouin.

Je me rabattais sur une autre drogue : le bromazépam. J'allais chez le médecin pour me faire aider, qui me conseilla formellement d'arrêter immédiatement le lexomil et me donna de l'homéopathie pour me soigner. Je lui racontais tout : mon ancienne dépression, la drogue, et l'anxiété qui perdurait comme un mauvais réflexe de mon corps. Elle se montra rassurante et me confirma que quelques séances d'hypnothérapie pourraient me libérer de cette angoisse, qui semble être le résidu de ma dépression passée. Sous mon insistance, elle me prescrit quand même une ordonnance de lexomil à n'utiliser que ponctuellement, en cas d'urgence, de type voyage en avion, "l'assurance tout risques" comme elle dit. "En espérant que vous ne vous en serviez pas", ajouta-t-elle en me donnant la prescription. 

Le problème, c'est que passé cette consultation, et malgré le SEDATIF PC, les crises continuaient. Je laissais tomber l'homéopathie (je sais qu'il ne s'agit que d'un placebo) et continuait le lexomil à dose minimum. Mais je vidais ma vieille boite de deux ans et n'utilisais pas l'ordonnance : ce qui me rassura sur le fait que je n'abusais pas.

Finalement nous trouvâmes notre modeste logement dans un quartier résidentiel, calme et vieillissant du sud de la ville. Nous nous installâmes sans trop d'encombres. J'arrêtais le bromazépam immédiatement. Je n'avais plus à conduire la voiture. Mais j'étais stressé, dormais peu, sursautais au moindre bruit du voisinage. C'était épuisant. J'avais besoin de plaisir. 

J'avais gardé un modeste sachet de ma récolte bien camouflée dans un appareil electronique. Il était intact, avait survécu au déménagement, au garde-meuble. Je me suis dit "une fois, rien qu'une seule". J'ai sorti le vaporisateur, discrètement, un soir, seul dans mon nouveau bureau. J'ai pris beaucoup de plaisir. C'était comme une petite renaissance. Alors evidemment, le lendemain matin, discrètement, j'ai vaporisé de nouveau. Et puis le soir. Et le surlendemain. Etc. Pendant toute la semaine. Je commençais à perdre les pédales, et plus je culpabilisais, plus je faisais n'importe quoi. Je fumais à toute heure du jour et de la nuit.

Le dimanche suivant, je me fis pincer par ma mère compagne, Lucie. Elle fut extrêmement déçue. Non pas particulièrement par la fumée en soi, mais que lui ai menti. Je n'avais parlé que d'abstinence pendant 1 mois et voilà que je me taisais sur la reprise de ma consommation. Je l'ai rarement vue si déçue, et croyez moi, je la comprenais tout à fait : j'étais dégoûté de moi même, de ma lâcheté. Moi qui prônais le dialogue, l'honnêteté et la tolérance, j'avais failli, non pas une fois, mais deux fois, par ma "rechute" elle même mais surtout par mon mensonge à ce propos. Oui, le mensonge était le pire. J'eus très peur : si un homme n'est pas pas digne de confiance, une femme peut le quitter et partir avec les enfants... Evidemment, ce tableau était très exagéré rapport à la situation, mais nous savons tous que ce genre de scénario existe.

Nous parlâmes longuement lors d'une promenade au cimetierre pour tout remettre à plat. J'étais finalement content de m'être fait surprendre pour enrayer le processus malsain dans lequel je m'étais à nouveau engouffré, exactement comme à l'adolescence, dans l'ombre de mes parents. 

Je me repris en main et appellais, cette fois, pour de vrai, l'hypnothérapeuthe pour continuer d'essayer de me guérir. Curieusement, la plupart des hypnothérapeuthes de mon chef-lieu de province semblaient overbookés et peu ouverts à de la nouvelle clientèle. Je raclais l'internet et en trouvais une dans un des quartiers les plus moches de la ville. Je m'y rendais un jeudi à la tombée de la nuit. Un immeuble d'activités sans âme, sinon la laideur. Je me faufila sans croiser âme qui vive jusqu'à la salle d'attente du cabinet. Puis, avec 5 minutes de retard, la thérapeuthe me reçut.

C'était une vieille femme décrépie, très visiblement grosse fumeuse à en croire son teint, ses dents et son haleine, et peut-être même buveuse, à en croire son nez et ses gestes maladroits et son empressement pathétique. Elle ratura plusieurs fois la feuille de renseignements qu'elle remplit au début de la séance, commençant toujours à écrire avant d'avoir bien reçu l'information. Est-ce que cette personne qui avait l'air encore plusieurs angoissée que moi allait pouvoir me soigner ? 

Le bureau était également moche, comme tout le reste de l'immeuble, et du quartier tout entier: meubles froids, néons blafards ... Mais après tout, l'habit n'a jamais fait le moine, et cette personne m'apparut plutôt compétente avec ses théories.

Elle m'expliqua que les crises d'angoisses sont un programme, un signal d'alerte, ayant une utilité, de l'inconscient vers le conscient. Utiles, elle l'étaient à une époque. Mais le sont-elles encore aujourd'hui ? Notre travail ne sera pas d'en expliquer les causes - c'est plutôt le cas d'une psychanalyse - mais d'aller les déprogrammer. Je compris que cette dame connaissait son sujet.

Vint le sujet de la drogue. Tout d'abord, elle releva l'auto-culpabilité avec laquelle je m'accablais. "Bien sûr, les drogues sont mauvaises pour la santé. Elles peuvent détruire notre santé, ainsi que notre portefeuille ... Mais utilisée pour votre plaisir - et uniquement le plaisir - est une chose positive. Et surtout, vous sentir coupable à ce propos est encore plus destructeur. Coupable d'être la personne que vous êtes, comment supporter une telle pensée ? Rechuteur, qui plus-est ! La pire étiquette qu'on puisse s'infliger. De quoi angoisser, pour sûr. Vous ne devez pas vous percevoir comme ça. Vous devez vous accepter, vous aimer, et si vous fumez, faites avec un maximum de plaisir."

Evidemment, une certaine joie déferla sur mon petit esprit torturé : elle avait très probablement raison pour la culpabilité (ma dépression avait pour racines la culpabilité que je ressentais vis-à-vis de mon père), et en même temps elle m'autorisait à fumer. A FUMER. Evidemment, tout cela allait paraître peu raisonnable aux yeux de beaucoup d'autres, comme ma compagne, ma mère ou peut-être même mon toubib ...

La séance se termina avec une démonstration du point d'ancrage* et autres leviers imaginaires pour agir sur mon anxiété, et je dûs lui rédiger un chèque ("55 euros c'est bien cela ? - Herm, non, 75 monsieur. - Ah ? Heu ... OK ..") je me fis imposer un nouveau rendez-vous le mois suivant (le temps que je règle "mon histoire avec la drogue", mais surtout, qu'elle revienne de vacances) et nous prîmes congé l'un de l'autre. 

Sur le chemin du retour, je m'interrogeais tout de même un peu sur le "mauvais feeling" avec la personne elle-même, mais décidais que le thérapeuthe était visiblement compétent, et que changer de thérapeuthe (et donc refaire la séance d'introduction) me coûterait au final quand même plus cher que de continuer avec celle-ci, et donc qu'il était au final intelligent de le faire. Je rentrais et racontait ma séance à Lucie, qui, bien qu'étonnée à certaines des idées évoquées, était contente de voir que j'agissais pour mon bien-être.

Le soir, evidemment, seul, je fumais. La vie continua comme d'ordinaire : j'eus des crises ici, et là. Jamais graves, mais de plus en plus fréquentes et idiotes : je fumais un matin et fis une crise invisible au déjeuner avec mon vieux pote en visite. Crise invisible au restaurant avec ma femme. Crise invisible dans la voiture de ma mère.... 

Et aujourd'hui, avance-je ? 

 

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Commentaires
R
Bonjour Guerrier solitaire...<br /> <br /> Merci d'avoir partagé toutes ces infos, ça aide ceux qui se retrouvent dans la même recherche que toi, comme moi, merci d'avoir été sincere dans tes écrits, c'est cool, ça fait du bien.<br /> <br /> Je fume depuis un peu plus de vingt ans aussi, je viens d'avoir 40 ans et je me retrouve un peu en toi. Je suis a quelques jours de mon premier défi, arreter de fumer pendant une semaine, et pourquoi pas continuer si je me sens bien. Je sais que ça va être dur, mais j'ai envie d'y arriver, et un peu comme toi, je compte sur la meditation, sur mes guides, mon esprit, et surtout sur moi.<br /> <br /> Je te souhaite bon courage dans tes prochains pas, ne lache pas. Pour tes crises, continue a chercher, tu finiras par trouver la solution.<br /> <br /> Amicalment, Ribe
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