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Crotte du morning
9 mai 2015

#18 Le Art Game

La compétition est une chose naturelle, dure, mais définitivement naturelle : le lion mange la gazelle, et parmi les gazelles, le mâle alpha saille les femelles, et parmi les enfants, seuls les plus agiles survivront. C'est pareil chez les artistes : certains tirent leur épingle du jeu, d'autres non, et de fait, les luttes, les victoires et les défaites sont nombreuses.

Pourtant, dans l'absolu, l'art devrait s'affranchir du game. Pourquoi ? Parce que l'art est justement désintéréssé ! C'est tout le fond de l'art. Seulement l'artiste n'est qu'un homme, il a faim, il a besoin de survivre et de saillir des femelles, alors l'artiste a tendance à sombrer dans le game avec les autres, il cherche à exister, et donc, obligatoirement, à surpasser ses adversaires, car il n'y a pas de place pour tout le monde, même si aujourd'hui, il y a de plus en plus de places car grâce à Internet etc. les petits artistes ont une visibilité, l'argent et la reconnaissance ne sont pas distribués équitablement, il y a des places meilleures que d'autres, et certains (tous?) travaillent dur pour obtenir la meilleure place qu'ils peuvent, ils se battent pour ça, il y a donc un Game. 

Mais j'ai envie de dire que, dès que l'artiste joue le Game, il ne fait plus de l'art. Si l'art est si valorisé, c'est qu'il présente un intérêt, probablement de divertissement, et donc ce n'est plus de l'art. 

Picasso ne serait sans doute pas d'accord, lui qui disait que la reconnaissance était cruciale pour l'artiste, nécéssaire à lui donner la confiance qui supportera sa liberté totale d'expression. Je suis plutôt d'accord : quand on se sent validé, on se lâche plus facilement.

Mais pas autant que lorsqu'on s'en tape complètement. Picasso était un grand génie (peut-être) qui a eu la chance de se sentir porté par son immense succès. Mais si dans l'absolu, il s'en était moqué, il n'avait pas joué le Game, il aurait pu bénéficier d'une liberté encore plus grande. Mais aurait-il encore été un homme ? 

Car j'admets que ce désintérêt total et absolu n'est peut-être qu'une utopie irréalisable. Seul les plus fous et déconnectés de la réalités humaines peuvent s'affranchir totalement du Game, car l'humain est par nature un animal social, et isolé, seul, il dépérit. Seul un être suffisamment déséquilibré pour survivre absolument seul, pourrait faire de l'art absolu.

Ces réflexions me viennent alors que je reviens d'un concert à l'étranger : j'ai travaillé dur pendant 1 mois et demi pour présenter un nouveau concert qui ne fut pas si terrible que ça à tout point de vue : techniquement bancal car peu rodé, mauvais choix stratégiques et manque de swag personnel total sur le moment. J'ai été complètement éclipsé par mon accolyte, de 10 ans mon cadet, et son talent fluide et naturel. En rentrant, fort de nouvelles connexions et visibilités, je constate un Game grouillant dans lequel j'ai vraiment une place minuscule (j'exagère sans doute, mais c'est le moment de déprime, laissez-moi). 

Ce qui me déplait le plus, c'est que j'ai une tournée prévue dans 1 mois et que je vais devoir encore travailler dur pour tout recommencer, et peut-être encore gaspiller mon energie pour aller à l'encontre d'une autre défaite. Ma femme, beaucoup plus sage que moi, me dirait que je ne peux pas essuyer de défaite tant que je fais ce qui me plait, et que je devrais m'en tenir à ça.

C'est pour cela que j'écris ce billet : me délester d'un peu de Game, même si m'en affranchir totalement est impossible, et travailler d'abord pour moi. Et mieux dormir pour garder mon swag.

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