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Crotte du morning
11 septembre 2014

#7 Les déménagements - 18 ans de dépression

Ma jeunesse a été profondémment marqué par les déménagements de ma famille. Mon père travaillait dur, et changeait parfois de boîte et de poste, augmentant de salaire. Il bâtissait notre famille sur un modèle : celui des 30 glorieuses, travail, famille, et argent et sécurisation pour ainsi dire. Il lui fallait donc des enfants, et il s'est trouvé une femme docile pour cela. Elle est donc devenue "femme au foyer", s'occupant de moi et ma petite soeur, tandis qu'il ramenait notre pitance, ainsi qu'un tas de jouets pour nous les gosses, et des parfums pour ma mère.

Je suis né alors qu'ils habitaient à Neuilly, mais je ne me rapelle de rien. Nous avons ensuite déménagé au Chesnay, dans les Yvelines, dans immeuble très classe moyenne, avec un square en bas, dans lequel je jouais aux billes avec les autres gosses. Un souvenir d'enfance : quand un gamin voulait remonter dans l'immeuble, il fallait qu'il appelle sa mère pour qu'elle lui ouvre la porte depuis l'interphone. C'est pourquoi, fréquemment, l'enfant criait "MAMAAAAN !" vers les fenêtres depuis la cour, et en réaction des têtes de daronne surgissaient des dites fenêtres, vérifiant s'il s'agissait du leur. Mon école était au bout du square. Je partageais un lit superposé avec ma petite soeur. C'était sympa.

Nous avons déménagé à Saint-Nom la Bretèche vers 1987, j'avais donc 7 ans, dans un standing plus bourgeois. Trop petit pour avoir pleine conscience de ces changements, j'étais content de la nouvelle maison mais j'ai été un peu déboussolé lors de ma première journée de classe, en CM1, dans cette école inconnue. Rapidement, et au fil du temps, je me suis fait de très bons amis, j'ai vécu plein d'histoires, ce village était un terrain de jeu géant et béni pour les enfants qui y circulaient en toute liberté, à pieds ou à vélo. A l'époque on ne s'inquiétait pas trop, nous allions à et rentrions seuls de l'école, j'étais tout le temps fourré dehors. Mon père m'a acheté un ordinateur, j'ai commencé à programmer. C'était le bonheur, même si des petites angoisses naturelles pour un enfant sensible m'habitaient de temps à autre. 

Mon père a été encore promu et en 1991 nous avons déménagé à Epinal dans les Vosges. Peu avant le déménagement, je commençais à avoir des humeurs étranges, à me recroqueviller sur moi-même et à chasser mes amis, peut-être dans un réflexe inconscient pour moins souffrir ... Ce déménagement a été plus dur que le précédent : une maison en bordure de forêt encore plus grande, une région entièrement nouvelle, beaucoup plus sombre, noire, pluvieuse (nous sommes arrivés pour l'automne), et j'entrais au collège, dans un grand collège privé, d'une taille plus industrielle. Pour faire passer la pilule, mon père m'a offert un chien - un golden retriever appellé Gypsy, le même que celui que j'avais tant aimé chez mon orthophoniste - et puis il a acheté un 4x4, afin de bien coller à l'image de famille idéale qu'il se faisait dans la tête. Ce déménagement a été dur pour tout le monde : ma mère a commencé à déprimer, seule, sans ami, dans ce bled paumé (préfecture des Vosges, mais région dépeuplée ..), moi et ma soeur avons cessé de jouer ensemble pour de bon avec les prémisces de l'adolescence, mon petit frère qui avait 3 ans pleurait énormément, la maison paraissait un peu trop grande, nous nous sentions tous perdus. Mon père a commencé à beaucoup s'absenter. Malgré tout, les années collège passèrent avec les amis que je m'y fit, et puis vint le lycée, lors duquel j'ai rencontré les plus précieux amis que je n'avais jamais eu, et, moi le petit timide, je commençais à goûter le bonheur d'appartenir à une bande. Je commençais à tomber amoureux de Bérangère, Laurent était mon meilleur ami (de 3 ans mon aîné, il m'aprenait énormément de choses) quand mon père, au milieu d'un climat familial electrique, a annoncé, en voiture, que nous allions partir pour habiter à Nancy, à 60km de là, ce qui sonna à mes oreilles comme le pire des châtiments qu'on pouvait m'infliger. Alors que les portes du paradis commençaient à s'ouvrir pour moi, mon père claquait violemment la porte.

60km ça ne parait rien pour un adulte peut-être, mais pour un ado pour qui les amis sont une famille dans laquelle on veut vivre, c'est l'autre bout du monde. Nous sommes arrivés à Nancy en 1996 et j'ai connu une rage sourde comme jamais je n'avais connu alors. J'étais désabusé et cela me rendit nihiliste, voire dépressif (qui s'ignore). Les premiers jours à Nancy faute d'amis, je me suis mis à traîner dehors et j'ai sympathisé avec un clochard dans une ruelle près de chez moi. Il était sympa, il a essayé de me faire croire qu'il avait fait la guerre du viet-nam. Il ramassait le tabac des mégôts par terre et se roulait des clopes avec des tickets de bus. Bref, j'étais désireux d'être crasse, de déplaire. Après j'ai rencontré tout ces amis du club Ganja, qui devinrent aussi les meilleurs amis du monde. Le "bonheur" revint, mais la rage demeurait. Puis ensuite Lily et Clarisse, mes premiers amours, un triangle amoureux. Cancre, j'ai eu mon bac avec 2 ans de retard. Je séchais beaucoup les cours, et devenu majeur, je pouvais rédiger moi même mes propres mots d'excuse pour mes absences. Vint alors l'heure de devenir un adulte. Mon père, qui m'avait forcé à faire math au lycée (alors que je me sentais l'âme d'un littéraire) me motiva pour aller faire une grande école (chère) d'informatique à Paris. En même temps, mes histoires de coeur à Nancy se sont naturellement fini en eau de boudin, et juste avant de partir, mon estimé ami Kenan m'a hurlé (complètement bourré à la Chartreuse) : "tu as fait trop de mal, va donc à Paris, et ne reviens pas". Encore une fois, je partais sur une note douloureuse, la déprime et le remords me tenaillaient.

Dégagé des mutations de mon père, je suis resté à Paris, dans laquelle j'ai déménagé 10 fois en 10 ans. D'abord, un studio minable à Ivry, mais je l'aimais bien, c'était mon premier chez-moi. La dépression commençait à résonner fort, mais je l'ignorais, et cela se traduit d'abord avec l'apparition des crises d'anxiété. On avait trouvé cet appartement en vitesse lors d'un week-end à Paris, et c'était une belle escroquerie : la moisissure rampante sur les murs (et l'odeur qui va avec) reprenait rapidement le dessus sur la peinture fraîche qui maquillait le problème, cables téléphoniques pourris, chasse d'eau qui faisait un bruit d'avion à réaction (sans exagérer), rez-de-chaussée sur cours avec vieux voisins alcooliques (calmes), mais surtout, alors que j'appellais un plombier pour régler ce chauffe-eau qui gouttait chaque nuit en me rappellant cette fameuse torture nazie, ce dernier m'expliqua qu'il fallait absolument que j'ouvre mes fenêtres car il y avait une fuite de monoxyde de carbone, toxique, liée à une mauvaise installation qu'il fallait urgemment changer. Mon propriétaire averti, des ouvriers vinrent changer le dit chauffe-eau et dégradèrent le carrelage de la salle de bain. Mon père avait un ami qui avait une chambre de bonne à louer dans le 16ème, il me poussa à déménager, ce que je fis avec plaisir. Le propriétaire d'Ivry cependant, en bonne petite raclure qu'il était, était furax et garda la caution à cause du carellage abîmé par les ouvriers. 

La chambre de bonne était beaucoup plus loin de mon école, mais la chambre, bien que plus petite, était effectivement plus agréable, sur les toits de Paris, lumineuse aussi. Cependant, le 16ème arrondissement de Paris, avec ses longues avenues vides et ses crottes de caniches nains, n'était pas spécialement funky pour les jeunes, et je n'avais aucun ami dans le secteur non plus. Toute sortie signifiait de longs trajets en bus ou en métro, et avec mon angoisse, ce n'était pas chose aisée, si bien que je ne sortais pour ainsi dire quasiment pas. Et même, rapidement, je cessai d'aller à l'école, incapable de suivre le moindre cours dans cette usine aux traitements déprimant (les élèves étant notés de manière absolue, en prépa, la moyenne de la classe ne dépassait pas 3/20 - ceci dans le but d'égrainer et de ne garder que les éléments les plus coriaces) et je restais enfermé chez moi, à voguer dans l'internet naissant. Puis, je convainquis sans difficulté mes parents de me laisser faire une école d'art appliquée (chère, mais l'argent n'entrait pas dans la composition des obstacles à ce projet), ceci aussi en suivant le modèle de ma première copine (dépressive aussi) Lily, avec qui je me retrouvais, du coup, en prépa. 

Les années passèrent et je m'accrochais à ces études d'arts appliqués qui me correspondaient effectivement beaucoup mieux. En deuxième année, je rencontrais Laure, qui, d'un milieu beaucoup plus modeste, et vivant dans un studio minable et insupportable à Nation, m'encouragea à se prendre un appartement ensemble. Ce qui fut possible, encore une fois, grâce à la fortune de mon père, qui possédait justement un 2 pièces à Montparnasse et qui venait de se libérer. Je quittais donc le lointain 16ème pour me retrouver voisin de ma grand-mère (à son plus grand bonheur) en concubinage avec Laure.

Nous avons 22 ou 23 ans. Problèmes : Laure est insupportable, dominante, me brime (et je plie, ignorant), m'empêchant de pratiquer la musique librement à la maison, m'interdisant de boire et de fumer, et ainsi etouffé dans une relation aussi étroite que malsaine, l'harmonie entre nous s'étiole, mythomane, elle me trompe avec mon fournisseur d'herbe, à qui elle brisera le coeur et avec qui, de fait, j'aurais une dispute. Ce pauvre bougre sera si traumatisé qu'il continuera d'ailleurs à m'envoyer des déferlantes de haine (par texto, car trop couard pour m'affronter lorsque je lui propose) bien longtemps après que j'ai lâché l'affaire. Evidemment, tout ça n'a pas arrangé ma dépression rampante, toujours sans que j'en ai conscience. 

Après une collocation avec un bon ami (expérience qui dégrade naturellement une partie de notre amitié), je rencontre Colombe, avec qui ça va beaucoup mieux. Nous sommes grands, nous travaillons. Après avoir eu mon diplôme de communication visuelle, et voyant des hordes de directeurs artistisques déferler dans les rues de Paris, je m'oriente vers le développement web (grâce à l'alternance), ce qui me permet de trouver immédiatement un boulot qui me plait dans une petite boîte qui commence. Le patron deviendra un ami intime pour les 10 ans à suivre. Colombe est une très chouette fille, je l'aime. Elle passe son temps chez moi, et délaisse son chat qui souffre dans son caca qui s'amoncelle dans le 18ème, à Chateau d'eau. Mais mon appartement commence à sentir le vécu, et l'idée de rester chez Papa nous empêche de devenir nous-mêmes. Nous décidons donc de prendre notre chez-nous. Pour la première fois, j'épluche le PAP de manière autonome, et nous enchaînons les visites. Nous trouvons notre nid d'amour sous la forme d'un loft dans le 11ème, près de Jean-Pierre Thimbaud - Colombe, parisienne mondaine, étant très exigeante sur la situation.

Ce nouveau départ parait magique au premier abord, et d'ailleurs, il l'est plutôt. Mais rapidement nous déchantons : le voisinage de la cour, ultra bobo-communautaire, nous étouffe avec leurs gosses, leurs apéros, leur connivence clanique. Nous sommes bien sûrs invités à toute leurs boboteries, mais nous n'avons pas vraiment envie de nous intégrer à ces joueurs de poker en ligne prétentieux, sniffeurs de mauvaise coke, paternalistes et envahissants, qui exigent qu'on vote Ségolène Royal lorsqu'on rentre chez soi, et malgré quelques efforts d'intégration, arrive le jour ou nous sommes trop taquins avec l'un d'entre eux, qui, enfermé dehors, fait une mauvaise descente et finit en larmes, ce qui nous donnera une mauvaise réputation et nous mettra toujours plus mal à l'aise avec le voisinage.

Par un coup de bol formidable, Colombe a une très bonne amie, héritière, dont l'appartement magnifique aux Buttes-Chaumont se libère. Le loyer est en plus carrément arrangeant, c'est juste l'aubaine la plus formidable de Paris, au bas mot. Après avoir fait une fête du tonnerre pour finir notre loft (que personne ne pourra nous reprocher, juste vengeance de tout ce que nous avons enduré la bas), nous emmenageons dans la joie et l'alégresse dans notre splendide 2 pièces avec vue sur tout-Paris (c'est simple, en hauteur, on voit tout Belleville, jusqu'à la tour Montparnasse et la tour Eiffel) à deux pas du parc, c'est juste le rêve. On peut dire que la première année se passe comme un rêve, j'achète des platines, nous organisons des fêtes mais les voisins osent à peine se plaindre, bref, tout va bien dans le meilleur des mondes. 

Puis les choses dégringolèrent entre Colombe et moi, pour divers motifs, personnels, relationnels ... Je ne pourrais pas nier le fait que ma dépression y fit quelque chose, mais il semblerait que Colombait couvait également ses problèmes. En tout cas, ce fut elle qui mit le feu aux poudres en me trompant plusieurs fois. Bien que nous fûmes toujours amoureux, je rompis et nous ne pouvions pas garder cet appartement : trop cher pour une personne seule, et pas du tout arrangé pour faire une collocation. Entre-temps, nous étions tout deux devenus freelance et donc relativement libre de nos mouvements. Mais ce fut Colombe qui pris la décision de quitter Paris pour aller habiter à Bruxelles - j'avoue lui avoir envié l'idée et ce n'était pas possible de la suivre - je restais donc à Paris. Quel jour déchirant fut celui ou nous chargeâmes son camion de déménagement, et ceci étant fait, les amis partirent vaquer à leurs occupations de la journée tandis que je me retrouvais seul dans notre bel appartement lumineux, mais vide et poussiéreux. 

De plus, j'étais dans l'urgence de trouver un logement. Après les galères typiques d'un aspirant locataire à Paris (avec fausses fiches de paye, complicité de mon ancien patron), je tombais sur un bienfaiteur qui fut ravi de me louer un studio avec cuisine au dessus du parc des Buttes, ne m'éloignant pas trop de mon ancien quartier, et voisin de mon ami Guillaume (dépressif). L'appartement, situé au premier, était minuscule et possédait des barreaux aux fenêtres. Lorsque mes amis partirent après m'avoir aidé à porter mes cartons, je m'assis, seul sur ma chaise au milieu de cet espace rempli à craquer, je me mis à pleurer. J'étais le prince de la ville et me voilà tombé dans une geôle en enfer.

Le pire restait cependant à venir. Outre le fait que ma dépression tapait plus fort que jamais (et des abus de drogue n'arrangeant rien, des idées suicidaires me traversèrent, une crise d'angoisse m'obligea à appeller S.O.S médecins, qui me mit sous Xanax. Je me résolus à consulter la psychothérapeuthe de mon voisin Guillaume, qui m'aida beaucoup.), chaque nuit, ma fenêtre se trouvait pile sur le rendez-vous des wesh du coin, qui passaient la nuit à s'insulter (apparemment leur seule façon de communiquer entre eux) et taper sur les poubelles, me privant de toute tranquilité. Pourtant, de jour, le quartier était très calme, bobo, plein de familles et de magasins de jouets en bois. Et la rue était calme aussi, de nuit. Sauf, pile sous ma fenêtre, en face de la Cours du 7eme art et des logements sociaux, ceci devant probablement expliquer cela. Bref, j'étais maudit, définitivement. Il fallait réagir. En gros : partir, alors que je venais à peine d'arriver. Je donnais mon préavis après 1 mois seulement, ce qui chagrina mon gentil propriétaire, qui ne comprenait pas, et j'eus du mal à lui expliquer le problème. Je prétextais une mutation professionnelle pour simplifier.

Ma carte à jouer fut l'espoir de trouver une colloc' avec Caroline, charmante fille rencontrée par l'intermédiaire d'un pote, qui cherchait aussi un logement. Nous décidâmmes de la jouer couple pour maximiser nos chances, et dans le cadre de ces recherches, nous devînmes très amis. Elle fut d'un grand support moral pour moi à ce moment là. Comme elle était jolie, je l'aurais bien courtisée, mais je m'abstins pour plusieurs raisons. D'abord, elle était trop hot et moi trop dépressif, je ne me sentais pas à la hauteur. Ensuite, l'amitié prit rapidement trop de terrain. Et enfin, ça aurait surement détruit nos chances de colloquer. Nous trouvâmes notre appartement de rêve, dans le 19ème, un peu excentré, mais ça va. Il était dispo en septembre, et je quittais mon appartement fin juin. Je réunis mes affaires - réduites à leur strict minimum - j'empruntais l'Express de mon boulot et j'allais tout entreposer chez mon père, à Meudon. 

Moi, sur le périph' ensoleillé, avec toute ma vie à l'arrière de l'utilitaire. Quelle sensation de liberté ! Je suis SDF ! Je n'aurais jamais cru que cela me procurerait un tel bonheur ... J'ai 29 ans.

Restait à vadrouiller pendant 2 mois. Le premier mois, mon ex-voisin Guillaume me prêta généreusement son appartement pendant qu'il allait voir sa copine au Canada. Je restais dans la même rue, mais les conditions étaient 100 fois différentes. Nouvelle période de recroquevillement, un peu triste, mais pas trop, car au loin le ciel commençait à se dégager.

Notamment parce que je partais ensuite 1 mois à Berlin. Très bonne expérience - même si se révelèrent, encore et toujours, de nouveaux angles de ma dépression - mais c'est effectivement frais et optimiste que je revins emmenager à Paris, dans mon nouveau très beau chez-moi, avec ma super nouvelle colloc' Caro. JOIE ! L'année fut globablement beaucoup plus épanouissante. Ma conscience s'évéillant doucement, les dégâts de la dépression devinrent de plus en plus visibles. D'abord parce que Caro le voyait, et m'aimant comme un frère (je ne la remercierais jamais assez), en souffrait aussi, et ensuite parce que moi, à la longue, je n'en pouvais plus. Ca empoisonnait mes nouvelles relations amoureuses, par exemple. Je consultais la psy, je cherchais une issue. Finalement, à l'issue d'une nouvelle escapade à Berlin, je compris qu'entreprendre quelque chose pour moi, et délaisser tout ce Paris, de toute façon devenue hors de prix, et théâtre de la dépression, serait une solution : je décidais de déménager dans la ville Allemande. Pour ce faire, je réussis à convaincre deux de mes meilleurs amis : Thomas, ami d'enfance, franco-allemand, fraîchement divorcé et motivé par un changement d'air, et le jeune François, de bonne éducation, désireux aussi de créer son propre destin dans ce que nous considérions à l'époque, culturellement parlant, comme la New York de l'Europe. 

Après des missions de repérages, nous remplîmes un camion de nos affaires et foncèrent vers Berlin pour y fonder une collocation à 3. Nous avions comme voisins et amis, aussi, notre base, l'Atelier Ü, notre deuxième maison. Période très heureuse : sans internet à la maison, j'ai redécouvert les joies de la vie en groupe, nous étions actifs dans l'association de l'atelier, chaque week-end, les fêtes, la nouveauté, c'était merveilleux. 

Les mois ont passé, j'étais toujours, dans le fond, dépressif, mais l'excitation et la beauté de cette nouvelle vie avait largement le dessus. Evidemment, j'avais quelques mauvaises descentes de speed, des problèmes financiers par manque de travail, mais j'avais fait le bon choix. Je rencontrais Sally, puis Sabine avec qui j'allais commencer cette grande relation. Mon père vint me rendre visite, et désireux de placer son argent pour payer moins d'impôts, mais aussi de faire un geste pour moi et ma vie d'artiste, m'interrogea sur le marché immobilier Berlinois, à l'époque de l'or en barre pour les investisseurs, et n'eut aucun mal à se convaincre de me faire un prêt pour acheter.

Cette période coïncida avec la fin de l'atelier Ü pour diverses raisons : lassitude de la fête permanente, problème de voisinages, mais surtout le pétage de plombs de son leader, Ludo, grand écorché vif aussi génial que paranoïaque et bipolaire, qui se mit littéralement tout le monde à dos et dû déguerpir. Moi, je cherchais une sécurité pour pratiquer mes activités, le boulot ne roulait pas fort et la collocation ne marchait plus : Thomas était parti car il ne supportait plus François et avait besoin de solitude, et le remplaçant de Thomas, un ami de François appellé Guy, m'envahissait, et j'avais déjà aussi envie de vivre seul.

J'achetais donc le dit appartement, non pas de manière précipitée, mais quand même un peu rapidement car pressé de partir, c'est à dire un bel et grand appartement, à un très bon prix, dans un quartier correct, dans un vieil immeuble dont je découvrirais un peu plus tard les défauts, mais cela n'alterera que peu la sensation de bien-être et de sécurité que me procurera le fait d'avoir mon propre chez-moi, enfin ... Après toutes ces années de galères. 

A l'heure où j'écris ces lignes, 4 ans ont passé et je suis encore dans mon appartement chéri. C'est dans cet appartement que j'ai fini par souffrir tellement que je fus obligé de soigner ma dépression. Je guéris à peu près en 2013, après avoir crevé les abcès, mais c'est une autre histoire. Concernant mes déplacements, je n'ai pas de conclusion particulière à y apporter pour l'instant, à part que je vais quitter mon appartement dans 15 jours, pour le louer à un couple de japonais adorables, pour moi-même repartir vers la France et l'inconnu, avec ma nouvelle copine enceinte de mes deux futurs enfants. Je suis content de partir car j'en ai assez de la ville, de mes voisins bruyants, de l'Allemagne, et que finalement, c'est pas si mal de changer d'air, de recommencer quelque chose. On peut toujours imaginer que ça sera mieux. Même si de manière réaliste, je conçois, avec les années, que ce n'est pas vraiment là que résident la paix et le bonheur... Mais un bon logement y contribue, c'est certain. Profitons juste des bouffées d'optimisme liées à la nouveauté et prions pour que je trouve un bon logement pour moi et ma famille dans notre nouvelle vie ! 

 

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